Les nombres, géométrie sacrée

Depuis la nuit des temps l’homme a dénombré ; un soleil le jour, une lune la nuit, un homme, une femme. La nature aurait invité une deuxième lune dans le ciel qu’aujourd’hui rien ne se ressemblerait. 

Très longtemps la corrélation a modelé la pensée ; le soleil tourne autour de la terre, disparait la nuit sous l’horizon pour renaître au matin. Il se dit que le soleil voyage sur une barque.

Les étoiles sources d’inspiration délivrent leurs messages aux hommes sur les questions essentielles de la vie. Qui suis-je, comment suis-je arrivé là, quelle sera ma destinée et après ma mort que se passera t’il ?

L’homme a croisé la vie, la joie, la victoire, la défaite, la souffrance, la surprise, l’amour et la mort. 

Et si Dieu ou les Dieux existaient, le destin serait-il fortuit ou tracé ? 

Dieu est-il « un » c’est à dire unique ou bien procède t’il selon « trois » principes, le Père, le Fils et le Saint Esprit ?

Où réside Dieu, dans le cercle du ciel ou derrière chaque arbre ?

L’homme et la femme sont-il « un » ou « deux » s’additionnent-ils ou sont-ils de natures différentes, sont-ils égaux ?

Qui domine en ce monde et selon quelle légitimité ?

Les réponses sont multiples, celtes, grecs, romains, sumériens, égyptiens, hébreux chacun détient sa vérité, une part de vérité.

Les hommes partout dans le monde et à toutes époques s’inscrivent dans un paradigme pour donner un sens à leur vie. Ils établissent des dogmes acceptés ou imposés par la multitude.

La société s’organise autour de règles et de codes indiquant à chacun ce qui est bien et ce qui est mal.

A côté de la multitude, les élus approfondissent leurs connaissances dans les grands mystères. Tout ne sera pas révélé. Les secrets seront gardés pour préserver le sacré.

Jalousement le Maître d’Oeuvre conservera la mesure de la coudée. Le commun du peuple saura qu’il s’agit d’une mesure d’homme, seuls les Maîtres connaîtront la profondeur spirituelle du plan de construction. 

Que reste t’il de ces secrets ?

Il semble ne rester que ce que les hommes veulent conserver. Les secrets d’une époque peuvent ne plus parler aux hommes d’aujourd’hui. Non pas que la spiritualité à notre époque soit en berne mais peut-être que la pensée a changé et qu’elle aspire à autre chose.

Croix templière

Le grand mystère de la disparition des Templiers et de leur trésor légendaire ou le secret des pyramides sont des sujets croustillants, intéressants un samedi soir vers 21h05 puis vient le documentaire suivant.

Les nombres recèlent de bien de mystères, certains sont oubliés d’autres effacés.

Les nombres ont une grammaire et agissent comme des agents de communication. Les nombres associés aux formes géométriques donnent du relief à l’écriture.

L’écriture obéit à une construction logique et ordonnée et offre la possibilité de développer une idée de façon construite. Néanmoins dès que la rédaction sort de ce schéma le lecteur perdra le fil de ce qui lui est proposé. De la même façon l’emploi de mots trop complexes eux-même utilisés dans des phrases trop longues perdront le lecteur. Dans l’écriture tous les mots sont soumis à controverse dès lors que le lecteur exerce une lecture critique. Ce qui est exprimé n’est pas forcément compris comme souhaité. Inversement ce qui est lu n’est pas forcément accepté comme le lecteur si attend. Le fait de lire passe par le canal de l’analyse avant d’agir sur la créativité et l’inspiration. L’écrit sollicite les facultés liées au cerveau gauche (analyse et déduction) avant de mettre en éveil le cerveau droit.

Alors que les nombres associés aux symboles vont solliciter le cerveau droit en priorité. C’est le siège des perceptions sensibles. Symboles et nombres suscitent une forme d’émotion qui illustre assez bien ce que l’ésotérisme cherche à mettre en mouvement en nous.

L’oeil de la providence, le – 3 –  » et le – 1 –

Les symboles ont la particularité d’agir sur l’ensemble de la pensée presque de façon immédiate et globale. L’oeil perçoit et tout l’être ressent. Par la simple observation de ce symbole tout le système de pensée se met en oeuvre et laisse remonter de façon pêle-mêle : des connaissances, des croyances, des impressions, des avis, une attirance, un rejet.

Les nombres s’inspirent à la fois de l’écriture et des symboles. Les nombres peuvent s’écrire, se dessiner ou être imagés. Le « 1 », le « 2 » ou le « 3 » comme tous les autres nombres sont relation endogène avec leur écosystème culturel et social ainsi qu’avec l’histoire de leur territoire.

Dès qu’un nombre est associé à une forme, le cerveau gauche collabore avec le cerveau droit et génère une émotion.

Nombres de – 1 à 5 –

Un nombre peut-être associé à une puissance maléfique ou bénéfique.

Deux opposés, le mal et le bien

Chaque culture attribuera une valeur en particulier dans un nombre et pourquoi pas lui conférer une capacité d’action ou un pouvoir.

Pour l’Islam le 19 est un nombre de grande importance « ils sont 19 à y veiller  » (74:30), le Coran est composé de 114 sourates soit 6*19. Le nombre 19 associe la 1ère dizaine au dernier nombre de la dizaine pouvant illustrer le début et la fin.

Sceau de Salomon Nombre – 6 –

Notons qu’il existe presque autant de sciences des nombres que de pensées philosophiques ou de spiritualités. A chaque fois les valeurs accordées aux nombres ont pour vocation principale de conforter ou d’illustrer la doctrine d’une spiritualité.

La gématrie est la science qui associe les nombres à des lettres de l’alphabet, chaque lettre a une valeur, un poids. Dans la tradition hébraïque l’addition des valeurs de chaque lettre composant un mot indique une correspondance avec un autre mot de même valeur ou exprime une notion théologique en particulier.

Par exemple le Shaddai qui est l’un des noms de Dieu « Dieu Tout Puissant » s’écrit shin, yod et daleth et correspond aux valeurs 300, 10 et 4 soit 314 au total. Le hasard s’il existe permet une réduction de 314 (3+1+4) égale à 8 qui dans la tradition chrétienne correspond au nombre de Christ. Notons que Schaddai est cité 33 fois dans la bible ce qui peut être rapproché à la fois de l’âge de Christ 33 ans à sa mort et au nombre de vertèbres d’une colonne vertébrale.

La gématrie est une science dont les replis sont multiples et sujets à de longues discussions.

L’approche proposée dans ce travail ne s’inspirera que très peu de la gématrie, il reprendra ce qui a fait la pensée entre le Xème et le XIIème siècle, dans la période romane et les tous débuts de l’art gothique.

Le UN


Le « un » symbolise l’unité, le tout, le grand tout, le sommet, le centre, l’axe, l’origine, le début, la fin, l’invariable, le stable.

Bien avant l’avènement du christianisme les religions païennes et en l’occurence le celtisme reconnaissaient la dimension divine du « un »

Le nombre 1 est souvent associé à la divinité dont la nature est ineffable au point que nous pouvons nous interroger si le 1 est réellement un nombre.

La discussion peut s’engager sur la nature du nombre 1 et de son opération au regard de l’addition et de la multiplication à lui même.

La genèse 1:28 s’adresse aux hommes en disant « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre… » Très logiquement le plus grand nombre de lecteurs comprendra que les hommes procèdent de la multiplication.

Les hommes seraient donc appelés à se multiplier. Il n’en sera rien.

Cette idée fut discutée au Concile de Nicée avec pour conclusion d’associer la multiplication à Dieu considérant que Dieu est unique alors que l’homme s’additionnera à la femme pour procréer.

La principale justification en était le rejet de l’arianisme condamné par l’Eglise car l’arianisme reconnaissait Christ que dans sa seule nature d’homme.

L »opération de la multiplication de « un » par « un » avec pour résultat « un », impose de façon déterminée de reconnaître Dieu comme étant unique et éternel, seule l’humanité s’ajoute à elle-même.

La propriété divine du « un » dépasse la compréhension que les hommes peuvent avoir de l’immensité du temps, de l’espace et de l’immédiateté. Ce n’est que très imparfaitement que le cercle, le point, le trait ou le croisement de deux traits peuvent figurer le « un »

Rosace Notre Dame de Strasbourg

Le cercle n’existe que par le présence de son centre. La rosace de la cathédrale de Strasbourg en donne une belle illustration.

Le centre est composé de cinq lobes, symbole de l’Homme dans le cercle divin.

Ainsi chaque point placé sur la circonférence du cercle est à la même distance du centre ce qui peut être interprété comme la présence du divin dans le centre de chaque homme.

Le soleil, premier luminaire céleste, cercle par excellence a souvent été vénéré comme un dieu ou considéré comme sa manifestation ou pour le moins comme une illustration de sa puissance.

Le point évoque aussi le centre ; chaque point placé sur le cercle est à égale distance du centre, c’est l’équilibre entre nous et notre centre, c’est le chemin à parcourir.

Là aussi, le soleil est unique et trace un arc de cercle dans le ciel, il évoque le temps qui passe, marque les solstices et les équinoxes, il assiste aux événements de la vie. Le début, la fin comme le feraient les rouelles de Taranis ou le chrisme dans une médaille.

Le point peut également servir de centre à plusieurs cercles ou à une spirale évoquer l’éloignement ou le rapprochement de son axe.

Le trait évoque davantage le début d’un dénombrement ou devient un signifiant de l’être selon son positionnement.

Le trait horizontal, référence même à l’horizon, s’exprime comme une représentation de la terre, de la matérialité. C’est aussi la somme de toutes les actions des hommes sur terre ou l’accomplissement d’un individu dans la matérialité.

Le trait vertical, référence à la verticalité, résume assez bien le lien entre la terre et le ciel d’où l’expression théologique ; se placer dans la verticalité. C’est l’espérance du ciel, du divin, l’échange entre le haut et le bas comme l’échelle de Jacob et les anges allant entre terre et ciel. Le trait vertical est aussi le pieu enfoncé dans le sol pour tracer le cercle d’un rituel ou encore le gnomon pour indiquer le nord et les autres 3 directions et bien sûr le zénith et le nadir.

Traits, horizontal, vertical et la rose où se croisent les traits

Le point où se croisent l’horizontalité et la verticalité est le lieu du grand secret, celui du plus profond de l’âme, c’est le seuil du monde de l’esprit, c’est le passage vers ce qui est infiniment plus grand que nous et inconcevable à notre. niveau de compréhension.

Le point c’est aussi le lieu où je dépose la Rose, le parfum des efforts pour me hisser vers la Lumière, la beauté de mes attentions dans le monde et la récompense de la rosée qui me permet d’éclore sous le soleil levant.

Le DEUX

Le deux symbolise à la fois l’opposition et le complémentaire. Le deux s’obtient par l’effet de l’addition du « un » au « un » ainsi l’unique se manifeste dans la création

Le « deux » peut également s’obtenir par la division du « un » Cette opération surprenante pour le moins n’est pas de l’ordre des mathématiques mais d’un geste. Une poterie peut être rompue en 2. C’est le symbolon employé par les grecs pour conclure un contrat car les 2 pièces sont complémentaires et une fois réunies le « un » est recomposé. 

En référence à la Genèse rappelons-nous qu’au commencement Dieu vit que la terre n’était que chaos et vide, l’Esprit de dieu planait au-dessus de l’eau, cette situation semblait ne pas lui convenir. C’est ainsi que dans l’ordre de la création le premier jour Dieu créa la Lumière, Il vit qu’elle était bonne et Il la sépara des ténèbres, il y eut ainsi un premier jour et une première nuit. 

Le premier jour est marqué par un acte significatif avec la création de la Lumière. Dans Jean 1 :4 le texte précise que la vie était dans la Lumière. Ainsi la création de la vie procède de l’opération de l’Esprit par la volonté de Dieu. Par un effet de raccourci les hommes rapprocheront le concept de la lumière à Dieu mais retenons principalement la création de la vie. Aujourd’hui l’Esprit a perdu son E majuscule, mens, raison et intellect en apportent une nouvelle définition alors qu’à l’origine l’Esprit portait le principe d’intelligence divine. 

Le deuxième jour Dieu ordonne la séparation des eaux en une étendue appelée ciel distincte de l’eau. Le ciel est en haut, l’eau est en bas. Dans l’encyclopédie des symboles l’eau est associée à l’âme. L’idée que peuvent se faire nos contemporains au sujet de l’âme est quasi laïque, ils la considèrent sous l’angle des ressentiments, d’états psychiques ou de moralité dictée par un courant sociétal ou religieux. Les grecs disaient de l’âme qu’elle anime le corps, non pas comme moteur unique de la vie mais donnant du sens à la vie. Or l’âme subtile par nature correspond à la vraie nature de l’homme, elle relève du monde subtil et manifesté. L’âme se nourrit du dialogue intérieur, celui qui amène à la connaissance de soi, à ses origines et à sa raison d’être. 

Le troisième jour Dieu commanda que l’eau se rassemble en un seul endroit pour laisser apparaître le sec, appelé terre, qui sera ensemencée pour porter la verdure et les arbres. Symboliquement la terre fait référence à la dimension matérielle et au corps.

Ces 3 premiers jours de la genèse revêtent une importance capitale dont la portée spirituelle va donner du corps à la dimension symbolique des 2 premiers nombres.

Le « un » qui est associé à l’action de l’Esprit crée la vie et procède de la volonté de Dieu. Le « un » premier nombre impair agit et s’additionnera aux autres nombres pour former des nombres pairs et impairs alternant ainsi action et transition.

Le « deux » figuré dans la genèse avec le ciel et l’eau est associé à l’âme mais avec une partition qui lui confère une double nature. Une partie haute de l’âme exprimée par le ciel et donc proche de la Lumière et par voie de conséquence de la vie. Une partie basse représentée par l’eau dont l’onde s’échoue sur les rives de la terre c’est-à-dire le corps.

Le « deux » en 2 parties du « un » et le « deux » en 2 parties distinctes

Si le « deux » est considéré comme un trait brisé en 2 les parts sont interdépendantes. Le fait de les rassembler recompose le « un » c’est-à-dire l’unité. Ce qui suppose d’avoir la préscience de quelque chose de supérieur à laquelle l’homme désire se rapprocher. Par la connaissance de soi et conscient de son origine divine, l’homme oriente la partie basse de son âme vers le ciel (partie haute de l’âme) pour ne plus faire qu’un avec la Lumière, comprenons la vie éternelle.

Si le « deux » est imagé par 2 points chacun aura sa propre nature, ils ne formeront jamais l’unité mais la dualité. Ainsi un nombre pair additionné à lui-même donnera un nombre pair à l’image d’un damier sans fin. C’est le questionnement permanent pouvant être perçu comme la quête d’un équilibre jamais trouvé, une situation perpétuellement transitoire sauf si l’Esprit intervient par l’addition du « un » 

Le TROIS

Le « un » s’ajoute au « deux » pour former le nombre « trois » son action est de nature divine, elle permet de rétablir l’équilibre et manifeste de façon perceptible l’action divine.

A l’image du tabouret instable sur 2 pieds, la pose du 3ème pied confère de la stabilité, celui qui prendra place sera bien installé. 

Le « trois » est représenté par le triangle. Il inspirera les triades, la pensée pythagoricienne, la trinité, la complétude et en raison de son caractère divin le « trois » développera un langage ésotérique autour des nombres triangulaires.

Le triangle est la première surface exprimée par un nombre, si le nombre « trois » peut être représenté par 3 points il ne sera complet que lorsque les 3 points seront réunis par 3 traits. 

Pour le Sumériens la forme traditionnelle du triangle est équilatérale, les 3 cotés ont la même longueur, chaque angle s’ouvre à 60°. La propriété de ce triangle a une portée insoupçonnée sur notre façon de compter.

4 doigts et 12 phalanges

Les sumériens n’utilisaient pas le système décimal. Pour compter avec leurs mains ils repliaient le pouce dans la paume et tendaient les 4 autres doigts de la première main. Avec le pouce de l’autre main ils pointaient les 3 phalanges de chacun des 4 doigts de la première main. Cela avait pour résultat 12 (4 doigts * 3 phalanges) d’où le nombre « douze » Par extension le « 12 » se rapporte aux 12 mois de l’année, aux 12 signes du zodiaque, aux 12 heures, et par la suite aux 12 tribus d’Israël et aux 12 Apôtres. Le carré d’un nombre a pour vocation de le sublimer. Le 12 c’est dire 144 (12*12) est en lien les 144 facettes de l’émeraude de Lucifer ou les 144000 élus marqués du sceau. A noter que la réduction de 144 vaut 9 (1+4+4=9) ou encore le carré de 3

La Jérusalem Céleste dans l’Apocalypse de Jean est représentée sous la forme d’un carré avec 4 fois 3 portes sur les côtés, au total 12 portes qui s’ouvrent sur les 12 signes du zodiaque. Les côtés mesurent 120000 unités, la muraille qui entoure la ville à une hauteur de 144 coudées. Le « trois », le « quatre » et le « douze » sont intimement liés. Trois phalanges, quatre doigts et douze unités au final. 

En répétant cette opération 5 fois c’est-à-dire ; compter 5 fois les 4 doigts avec leurs 3 phalanges, les Sumériens obtenaient 60 (5*4*3) ce qui nous rapporte aux 60° d’ouverture des angles d’un triangle équilatéral.

6 triangles 360°

En juxtaposant 6 triangles équilatéraux les Sumériens formaient un cercle. Or 6 triangles à 60° d’ouverture d’angle à chaque fois délivrent un résultat de 360°. Nous utilisons encore cette mesure de 360° de nos jours. La réduction de 360 correspond à 3+6+0=9 soit le carré de 3. Il va de même pour l’angle plat de 180° dont la réduction est 1+8+0=9 à nouveau le carré de 3

Pour Pythagore le triangle rectangle (angle droit 90° et les angles opposés 36° et 54°) est remarquable en ce sens qu’il permet de rapprocher la surface d’un carré à celle d’un cercle. Pythagore reconnait deux autres propriétés au triangle rectangle :

L’addition des petites aires

La première permet de constater que quelque soit les valeurs des côtés, elles obéiront à une relation commune. En traçant un carré dont le côté est égal à un côté du triangle, le triangle sera bordé de 3 carrés, l’aire du grand carré sera équivalent à la somme des aires des petits carrés.

La deuxième se rapporte à un triangle rectangle dont les côtés ont les valeurs 3, 4 et 5 et s’inscrivent dans l’opération 3 au carré + 4 au carré = 5 au carré ou encore 9+6=25. Ce dernier triangle, appelé triangle pythagoricien, est souvent repris dans les traditions ésotériques dont la maçonnerie spéculative. Son utilité opérative est à rapprocher de la corde à 13 nœuds dont les nœuds sont répartis de façon égale sur des intervalles fermés. Le maçon opératif obtiendra un triangle rectangle parfait en réunissant les 2 extrémités de la corde, le 13ème nœud sur le 1er , puis en déployant la corde de façon à avoir sur chaque côté respectivement 3, 4 puis 5 intervalles. Les bâtisseurs de Cathédrales utilisaient cette technique pour le tracé au sol.

Le triangle « sublime » a un sommet ouvert à 36°, les angles contigus auront une ouverture de 72° (72 est le double de 36) Notons que la réduction de 36 et de 72 est 9 c’est-à-dire 3+6 puis 7+2, le carré de 3 est à nouveau répété. De surcroit la somme de 72+72 donne 144 dont la réduction est à nouveau de 9 (1+4+4). Pour rappel 144 est le carré de 12. 

Une configuration de 5 triangles sublimes est reprise dans la Cathédrale de Saint Etienne à Metz. Placés à l’arrière du chœur et signalés par des vitraux eux-mêmes porteurs de pentagrammes et qui heureusement n’ont pas été restaurés par Chagall. Les sommets des triangles se rejoignent sous le maitre autel, la valeur des 5 fois 36° au sommet donne un angle plat, 180° (5*36)

1 des 5 Pentagrammes Cathédrale de Metz

Le triangle appelé delta lumineux (franc maçonnerie) a un sommet dont l’angle s’ouvre à 108° et les angles contigus à 36°créant ainsi un rapport de 5/3 entre la longueur des côtés et la longueur de la base. En appliquant la formule (5+3)/5 = 5/3 = 1.66 le delta lumineux évoque le nombre d’or dans ses proportions.

Hippocrate apportera d’autres vertus au triangle. Selon que le sommet du triangle pointe vers le haut ou vers le bas la signification sera différente. La pointe vers le haut suggère le ciel, le feu et l’action de l’élévation. La pointe vers le bas symbolise l’eau, la goutte d’eau qui perle l’action d’une descente de l’esprit. Hippocrate utilise le triangle dans ses traités médicaux sur les humeurs, la pointe vers le haut la force, le feu et la bile jaune vers ; la pointe vers le bas l’eau, le cerveau et le côté lymphatique de l’individu.  

L’alchimie reprend les mêmes principes, la pointe vers le haut symbolise le feu, la pointe barrée en son sommet indique le chaud et le sec, la pointe vers le bas symbolise l’eau, la pointe barrée suggère le froid et l’humide. Les 2 triangles réunis forment la pierre philosophale.

Le nombre « trois » est également présent dans les triades celtiques, une référence culturelle souvent écartée au bénéfice du courant judéo-chrétien qui s’installe progressivement en France. Les traditions païennes ont perduré en France jusqu’au XIème siècle et jusqu’au XIIIème dans le nord de l’Europe. L’entrelacement de ces deux cultures est naturel d’autant plus qu’elles s’appuient sur des principes très proches. Le christianisme politique de cette époque a cherché à s’imposer tout en absorbant le passé culturel et spirituel de nos contrées.

Les exemples de similitude sont nombreux. Le « trois » est en relation directe avec le temps qui passe, les solstices et les équinoxes. Ces 4 moments du calendrier solaire peuvent être réduits à 3 et former le triban. 

Cette conception ternaire du temps est présente dans presque toutes les traditions païennes. Elle a d’ailleurs contribué à donner une structure commune aux temples. Entrée est à l’est.

En Egypte les temples sont principalement situés sur la rive occidentale du Nil de façon à laisser l’ouverture vers l’orient par-delà les flots du Nil. Le temple de Salomon n’échappe pas à cette orientation Le temple s’ouvre à l’est, face au soleil levant, au fond du temple, le saint des saints est placé à l’ouest comme le serait la statue de Mithra. Les colonnes Jakin et Boaz dressées devant le vestibule sont en concordance avec les solstices, comme le fait un triban.

Le Temple de Salomon

Une ouverture du temple vers l’est permet de filtrer la lumière du soleil levant et de lui accorder trois natures : la lumière directe, la lumière indirecte et enfin la lumière intérieure. Trois natures qui s’ouvrent sur une progression initiatique à la connaissance de Dieu. Celui qui a accès à la partie la plus sombre vit dans une clarté intérieure que ne peut connaître celui qui n’a pas reçu l’enseignement.

Il convient de noter que les édifices religieux chrétiens sont orientés à l’opposé du Temple de Salomon, l’entrée est à l’ouest et l’autel à l’est, il en va de même des temples maçonniques.

Les édifices romans étaient construits d’un seul tenant, le bâtiment était éclairé par 3 fenêtres à l’arrière de l’autel. Toute la communauté des chrétiens était associée au culte ce qui laisse supposer d’une parfaite égalité de chaque chrétien dans la foi, tous étaient rassemblés dans la pénombre comparable à cette lumière intérieure du Saint des Saints.

Trois grandes Lumières

Ce n’est que progressivement avec la traduction des 3 corps du Temple de Salomon dans le corpus politique de la chrétienté que des jubés furent dressés pour séparer le clergé des croyants et que le narthex ou vestibule était réservé aux catéchumènes. 

Trikel

Les triades illustrent l’ensemble de l’enseignement théologique celte, en évoquant le principe de la tripartition, la terre, l’entre terre et ciel, le ciel. Trois points évoquent la terre mère, Gaïa. Le triskell est associé à la tri-unité créatrice du monde dont le symbolisme peut être curieusement mis en lien avec la trinité.

Le nombre « trois » est présent dans le dogme de l’unité divine en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint Esprit, la trinité. Tous 3 procèdent d’une même essence et pourtant ils sont différents. Cette conception a été imposée pour mettre fin à l’arianisme et en particulier pour arrêter les discussions sur la nature de Christ. L’Europe était traversée de plusieurs courants dont les inspirations théologiques pouvaient diverger.

Le concile de Nicée établit que le Fils est d’essence divine et ne saurait être de seule nature humaine. Pour imposer cette conception tous les autres courants chrétiens furent réputés hérétiques.

La condamnation de l’arianisme par l’église a également valu l’interdiction des représentations de statues à 3 visages ou de scènes à 3 personnages avec chacun son calice.

Les nombres triangulaires connurent un grand succès au moyen-âge, actuellement ils ne sont pas ou peu employés. Les nombres triangulaires et le nombre « trois » revêtent un caractère divin qui leur accordent une grande portée symbolique. Un nombre triangulaire est représenté sous la forme d’un triangle équilatéral. Le triangulaire de 4 est un triangle ayant 4 points à sa base et 4 rangées superposées avec un nombre dégressif de points. Le nombre de points par rangée est décroissant.

Le résultat d’un nombre triangulaire s’obtient selon la formule suivante R= T(T+1) /2

Le triangulaire de 3 est 6 c’est à dire 3(3+1)/2

Le triangulaire de 4 est 10 c’est-à-dire 4(4+1)/2

Remarquons que le triangulaire de 3 nous rapporte directement au sceau de Salomon avec une étoile à 6 branches et le 4 au Tétraktys de Pythagore.

D’autres nombres triangulaires remarquables :

666 le nombre de la bête dans l’Apocalypse ; double triangulaire de 8. Le nombre «huit » est associé à Dieu

45 le nombre de chambres recouvertes de bois de cèdres dans le temple de Salomon ; triangulaire de 9 dont le nombre est associé au renouvellement (9 est aussi le carré de 3)

153 le nombre de gros poissons de la pêche miraculeuse : triangulaire de 17 lui-même résultat de l’addition de « huit » au « neuf » ce dernier nombre est associé au retournement.

Le QUATRE

Le « un » s’ajoute au nombre « trois » pour former le « quatre » ainsi l’action divine se manifeste dans la matière. 

Le nombre « quatre » symbolise la Terre-Mère, la matière et l’univers. C’est le domaine du perceptible.

Le « quatre » réunit la famille des 4 premiers nombres « un », « deux », « trois » et « quatre » par une addition dont le résultat donne « dix » c’est-à-dire le retour à l’unité (10 ou 1+0=1) Rappelons-nous que le Tétrackys de Pythagore de valeur 10 correspond au triangulaire du nombre « quatre » la règle du retour à l’unité est confirmée par les 2 opérations.

Le nombre « quatre » est le carré de « deux » dont il va sublimer le sens au-delà de la simple dualité blanc et noir, jour et nuit. Avec le carré de « deux » nous assistons à la naissance du Monde dont la particularité est de s’inscrire dans le temps avec un début et une fin. Dans l’ordre de la création rapporté par la genèse il est écrit qu’au quatrième jour le soleil préside au jour et la lune à la nuit ; ensemble ils marquent l’alternance du temps avec de jour et la nuit. L’éternité appartient à Dieu (Alpha et Omega) alors que le monde n’est qu’un intervalle de temps. 

Le « quatre » introduit le temps dans la matérialité. Sous nos latitudes les 4 saisons rythment l’année. Les 4 grandes fêtes païennes s’inspirent de la course du soleil comme le font Jakin et Boaz.

Le « quatre » peut être figuré par 4 points ou 4 calculis à l’exemple des Romains qui utilisaient des cailloux pour compter (les gaulois procédaient de même mais dans un livre d’histoire cela fait plus probant de citer les Romains, une note d’humour)

Les nombres carrés

Avec le «quatre» c’est l’accès aux nombres carrés dont l’étymologie du mot se retrouve dans la façon de placer les points en carré. Le carré de 2 donne 4, le carré de 3 donne 9. A la base du carré, la racine. Par simple comptage de la première rangée la racine carrée de 9 est 3.

Pour autant que les 4 points sont reliés, le carré devient la forme géométrique associée au « quatre » Il définit un territoire avec ses limites et sa surface, de surcroit il indique une orientation nord-sud et est-ouest. 

Le carré

Le carré se rapporte à la terre ou encore au monde. 

Il existe pourtant une deuxième approche symbolique qui associe le carré au milieu divin. Cette version faisait allusion à la forme du Saint des Saints du Temple de Salomon qui était un carré à la base dont les côtés faisaient 20 coudées. Cette interprétation a été abandonnée car elle n’a pas connu la préférence des bâtisseurs de cathédrales qui ont préféré se rapprocher de la vision de St Jean dans l’Apocalypse identique au Char d’Ezéchiel ainsi qu’au symbolisme du cube et de la croix spatiale dont le centre sera considéré comme une porte.

Pourtant il existe une déclinaison d’interprétations du carré.

Le double carré ou carré long communément appelé rectangle par les profanes lorsque les carrés sont juxtaposés devient une façon de représenter le ciel ou le milieu Saint. Le double carré fait une allusion directe à la partie centrale du Temple formé d’un double carré de 40 coudées de longueur et 20 coudées de largeur. Cette disposition a fait la préférence pour le tracé au sol d’un édifice religieux, c’était également la forme traditionnelle des basilicums, ces bâtiments rectangulaires ouverts aux Romains pour y tenir leur marché et en faire un point de rencontre.

Le double carré, ou carré long
L’octogone

Le double carré lorsque les 2 carrés sont superposés figure un octogone. Cette forme géométrique est à la fois la plus primitive et la plus proche du cercle. Jusqu’au milieu du XIIème siècle la plupart des baptistères étaient carrés à la base avec un bassin octogonal, ensemble ils créent le lien de verticalité entre terre et ciel. L’enfant est placé entre les eaux du bas et du haut pour être bénit.

Le cube donne naturellement du volume au « quatre ». Il lui accorde, surface, hauteur, profondeur et un centre. Le cube est associé à la pierre cubique, à la forme du Saint des Saint du temple de Salomon, à la Kaaba centre du monde, porte qui s’ouvre vers l’éternité pour autant que le pèlerin puisse en franchir le seuil.

La vision de Jean dans l’Apocalypse nous rapporte l’image du Char glorieux de forme carré sur lequel apparaît le Christ glorieux. 4 colonnes semblables à 4 piliers du monde sont placées aux 4 angles du Char et portent les « quatre » vivants, l’Ange, l’Aigle, le Lion et le Taureau. Jean y entrevoit la manifestation de la Jérusalem Céleste dont la forme est cubique.

Cette vision est souvent reprise dans les cathédrales. Au croisement des transepts à l’avant de l’abside il y un espace parfois surélevé. L’endroit est entouré de 4 colonnes massives dont le sommet se prolonge avec un dôme.  Les variantes sont nombreuses selon que le dôme recouvre ou non l’abside. Le thème du tétramorphe est souvent repris dans le dôme.

Selon les époques un jubé pouvait être placé devant cette espace, ou bien des moines s’y tenaient en prière d’intercession, plus tard un autel avancé fut disposé en cet endroit.

Dans tous les cas c’est à cet endroit que se tenait principalement la célébration de l’Eucharistie pour point de jonction entre l’espoir de l’homme et l’attente de Dieu.

Ce symbole profondément théologique va trouver sa confirmation dans la croix spatiale.

Comprendre la croix spatiale demande un détour par l’Equerre, cet outil est généralement utilisé par les hommes pour tracer des angles alors que le Compas revient à Dieu.

La croix ouverte

L’Equerre est l’angle du carré. 4 angles pour un carré, 24 angles pour un cube. Selon la disposition des Equerres, le carré est fermé ou ouvert. Dans ce dernier cas les 4 Equerres donnent naissance à un centre ouvert sur les 4 directions apparentes nord-sud, est-ouest et sur les 2 directions implicites que sont l’avant et l’arrière à l’exemple de la croix.

Le cube avec ses 6 faces une fois déployées forme une croix, les logiques se rejoignent. 

Toutefois carré et cube ne seront jamais cercle c’est-à-dire le symbole du Divin.  Les bâtisseurs ont poussé la réflexion en plaçant un cube à chaque face du cube. 6 cubes sur les 6 faces viennent compléter l’ensemble pour former la croix spatiale avec ses 6 directions. 

Croix spatiale

Le cube au centre des cubes est ouvert sur tous les cubes, par conséquent il est vide et personne ne peut voir son centre sinon peut-être le concevoir comme le point de jonction avec le centre de la sphère qui englobe la croix spatiale.

Le centre de la sphère au centre de la croix spatiale

Pour finir avec un clin d’œil 24 angles à 90° donnent 2160 soit 30*72 ans, temps nécessaire pour changer de signe zodiacal. 30 étant le douzième de 360° pour les 12 signes du zodiaque.

Ainsi 4 fois 3 portes sont disposées sur les côtés de la Jérusalem Céleste, à l’image du zodiaque inscrit dans un carré

Le zodiaque

Enfin le « quatre » propose une vision à la fois cosmique et spirituelle de l’homme dans le monde.

Hildegarde de Bingen

Une conception géo-centrée la terre au centre du monde, l’homme au centre des 4 éléments avec la terre, l’eau, le feu et l’air tels que Hildegarde de Bingen les présente dans l’une de ses planches. Autour de la tête de l’homme, les 7 planètes connues au XIIème siècle.

Une approche spirituelle de l’expérience ésotérique d’un homme par le corps, l’âme, et enfin l’esprit en quête du milieu divin.

Le CINQ

Le « un » s’ajoute au « quatre » et la vie s’installe dans le monde, au cinquième jour de la genèse la terre se peuple d’animaux en tous genres Dieu dit « reproduisez-vous et soyez nombreux… » Ensuite, Dieu bénit les animaux.

Le « cinq » est communément associé à l’homme, beaucoup y entrevoit l’homme dans sa complétude alors que dans l’ordre de la création l’homme n’est créé que le 6ème jour.

Une approche moins conventionnelle serait de rapprocher le « cinq » de la partie animale ou corporelle de l’homme et par conséquent de l’inscrire de façon formelle dans le monde dont le temps est borné entre un commencement et une fin. Cet homme est mortel, sujet d’une corruption corporelle.

Le 6ème jour Dieu créé l’homme à son image, puis en Genèse 2, Dieu insuffle un souffle de vie dans ses narines et l’homme devint un être vivant. Voilà que l’homme est animé, doté de la vie et investi d’une âme véritable image de Dieu.

Le « cinq » est une situation transitoire entre le « quatre » et le « six » entre le monde et l’attente de l’esprit de voir l’homme exprimer le désir de s’élever.

Selon les traditions le « cinq » est interprété en 2 + 3 ou en 3 + 2 c’est-à-dire l’équilibre retrouvé dans la création ou la complémentarité des éléments masculin et féminin. Il s’agit dans ces cas de la dimension corporelle de l’homme.

Le corps de l’homme revêt une importance capitale. Pour les Celtes le corps exprimait, la force, la souplesse et la beauté, l’homme en avait la responsabilité, c’était son véhicule sur terre. Ils associaient au corps les vertus du courage, de l’honneur, du respect de la parole à l’image des sagas des Dieux dont ils retenaient l’exemplarité. En ces temps l’homme était simplement homme, tout au plus un messager des Dieux et son corps ne figurait pas le Temple.

Les grecs voyaient dans le corps de l’homme l’harmonie de l’univers au point de le considérer comme la projection matérielle de l’âme. Ils s’inscrivaient dans l’ordre des anciennes traditions en faisant de l’homme une figure du monde ; les pieds pour la terre, la tête pour la voûte céleste.

Les chrétiens reprirent la plupart de ces interprétations pour concevoir leurs édifices religieux. De Saint Thierry, De Mende comme Léonard de Vinci un peu plus tard rappelèrent les bases de fondation. Ainsi le nombril de l’homme devient le centre d’un cercle tracé autour de l’homme. Le cercle symbolise le ciel. Les jambes et le bras étendus indiquent les points cardinaux à l’image du carré qui représente la terre. L’homme debout est alors en lien de verticalité entre la terre et le ciel.

Le « cinq » est un nombre évident pour celui sait regarder, observer et se souvenir :

  • 5 doigts à la main
  • 5 doigts de pied
  • 5 sens de l’homme
  • 5 osselets 
  • 5 pétales d’une fleur
  • 5 branches de l’étoile au creux de la pomme
  • 5 voyages de Vénus pour dessiner un pentacle dans le ciel
  • 5 branches du pentagramme et les 5 côtés du pentagone
  • 5 de valeur pour l’hypoténuse du triangle rectangle par 3, 4 et 5 selon Pythagore
  • 5 est la cinquième valeur dans la suite de Fibonacci, placé entre le 3 et le 8 l’Esprit et le nombre de Christ 
  • 5 plaies du Christ
  • 5 plaies d’Egypte
  • Cinquième consonne avec la lettre G

La main avec ses 5 doigts devient une unité de mesure naturelle pour les architectes à savoir la paume, la palme et l’empan dont l’addition de l’un à l’autre permet d’obtenir le pied puis la coudée. Le temple sera bâti à la mesure de l’homme. Ainsi le corps de l’homme s’impose comme la référence architecturale du Temple. 

Homme de Vitruve, source BNF via Google

Le « cinq » est le nombre de l’homme unitaire et inspire symboliquement l’assemblée des chrétiens. Les pères de l’Eglise considéraient que l’âme de l’homme tout comme l’assemblée des chrétiens représentait le Temple (le chrétien pouvait être comparé à une brique d’une église) La fusion mystique entre le corps de Christ et l’assemblée chrétienne indiquait à la fois l’origine, le fondement et le but de l’église.

En 1179 Hildegarde de Bingen dans sa perception du monde (reprise dans le Liber divinorum  operum) décrivait l’Homme carré comme étant debout et parfaitement proportionné en 5 parties horizontales et verticales. 300 ans avant Léonard de Vinci et son croquis sur l’Homme de Vitruve, de Bingen place déjà l’homme entre les mondes d’en haut et d’en bas. En tout 9 carrés le composent, une invitation au renouvellement.

Homme carré H de Bingen

La tête, 1 carré, est associée au firmament et l’élément feu ou encore l’esprit. 

Le cœur, 1 carré, est à la jonction entre l’horizontalité et la verticalité. Seul le cœur donne accès à la tête. Ce qui laisse supposer d’un intense dialogue intérieur entre cœur, raison et Foi

Les bras, 2 *2 carrés, tendus latéralement se référent à droite au vent du nord à tête d’ourse comme dans les traditions païennes. Le thème de l’ourse sera repris dans la racine du mot « Plantard » puis Plantagenet. A gauche c’est la référence au vent du sud et à la tête de lion. Ces orientations sont inversées de celles du Temple de Salomon où les textes précisent clairement le nord à gauche et le sud à droite.

Le ventre, 1 carré, est le siège du monde créé, la terre, la matrice pour la femme.

Les jambes jusqu’aux genoux, 1 carré, correspondent à l’élément couronné, lieu d’entrée des énergies lorsque l’homme est en situation de prière.

Les pieds, 1 carré, symbolisent tout ce qui n’est pas fini à droite le vent d’est et à gauche le vent d’ouest.

Homme carré

Vers 1490 l’Homme de Vitruve s’inscrit dans la même configuration. La tradition se poursuit avec la référence au monde d’en-haut et d’en-bas complèté avec des indications architecturales. 

Symboliquement l’Homme doit se redresser et hisser les bras vers le haut pour atteindre le cercle, l’image résume à la fois l’effort et le désir de se hisser vers le monde du haut. Toutefois la difficulté extrême sera de conserver l’harmonie en ne retenant que le nombril pour centre du cercle et du carré. Ce travail sur la quête de  verticalité devient une véritable profession de Foi où l’homme de ce monde espère toucher son reflet divin dans le ciel.

Une observation fine du croquis révèle la présence d’un carré et d’un cercle directement en lien avec la terre et le ciel. Le sexe de l’homme est au centre du carré, son nombril indique le centre du cercle. L’homme pose ses jambes tendues sur le bord inférieur du carré, les jambes écartées sur la ligne du cercle. Les bras en latéral touchent les côtés du carré avec la pointe du majeur, les bras relevés frôlent le cercle.

Carré et cercle sont de surfaces identiques et rappellent le principe de la table d’Emeraude selon Hermes Trismégiste afin que ce qui est en bas soit comme ce qui est en haut. C’est la quadrature du cercle.

La plupart des représentations de l’Homme de Vitruve et du pentagramme (étoile à 5 branches) font coïncider les branches du bas de l’étoile aux jambes. Ce pentagramme ne constitue pas une forme géométrique correcte. Les jambes se placent entre les branches de l’étoile.

Une telle situation laisse supposer une intention pour faire avancer la réflexion plus en avant.

La première piste est dans le rapport des surfaces identiques du cercle et du carré. La méthode avec le compas procède la façon suivante :

  • 1 – dans le carré, tracer un cercledont le diamètre correspondant au côté du carré, cercle et carré ont le même centre.
  • 2  – inscrire un triangle rectangle sur le diamètre du cercle.
  • 3  – tracer la hauteur qui relie l’angle droit du triangle rectangle à l’hypoténuse.
  • 4  – tracer un cercle (noir) dont le centre est sur l’angle droit du triangle et le rayon égal à la hauteur du triangle.
  • 5  – tracer un 2ème cercle (rouge) dont le rayon est à nouveau égal à la hauteur du triangle. Le centre de ce cercle est au sommet à droite du carré. Le cercle coupe l’hypoténuse et détermine une section courte.
  • 6  – tracer un 3ème cercle (rouge) dont le centre est au milieu du côté gauche du carré. Exactement à l’extrémité gauche du triangle. Le rayon de ce cercle rejoint le point où le 2ème cercle intercepte l’hypothénuse.
  • 7  – le 3ème cercle coupe le 2ème cercle en 2 points créant ainsi 2 repères pour tirer un trait parallèle aux côtés du carré.
  • 8  – reporter ce segment sur le côté inférieur du carré et vous obtenez le rayon du cercle qui à la même surface que le carré.
Cercle et carré ont la même surface

Le segment frôle la hanche de l’Homme de Vitruve, allusion à la hanche de Jacob dans son combat avec l’Ange. A l’issue de cet évènement Jacob s’appela désormais Israël. Magnifique illustration de l’Homme en quête de spiritualité.

La deuxième piste suggère les unités de mesure.

L’écartement des jambes sur le cercle correspond à un angle d’ouverture de 60°. Or 3 triangles formeront un angle plat de 180° et 6 triangles traceront le cercle de 360° comme le pratiquaient les Sumériens.

Angle de 60°

Le cercle constitue un passage obligé pour la détermination des unités de mesure telle que la coudée.

Pour tout cercle de rayon de valeur 1 le calcul de la surface s’obtient selon la formule R*R*3,14 c’est-à-dire 1*1*3,14 =3,14 sur la base du système métrique introduit en France en 1790.

La mesure de la coudée royale se situe habituellement entre 52 et 54 cm ce qui correspond approximativement au 1/6 de la circonférence d’un cercle de 3,14

En ramenant exactement la valeur de la coudée à 1/6 de 3,14 la coudée s’établit à 52,36 cm

Les unités de mesure peuvent être déclinée à partir de la référence 52,36 cm pour une coudée.

La coudée. Le pied. L’empan. La palme. La paume.
Du segment le plus grand vers le plus petit.
L’étoile des Bâtisseurs.

Méthode descendante :

  • La coudée vaut 52,36 soit 1/6 de 3,14
  • Le pied vaut 32,36 soit 52,36 divisé par 1,618 le nombre d’or
  • L’empan vaut 20 soit 32,36 divisé par 1,618. A noter que 1/5 du mètre vaut 20 cm
  • La palme vaut 12,36 soit 20 divisé par 1,618
  • La paume vaut 7,64 soit 12,36 divisé par 1,618 

Méthode montante :

  • La paume 7,64 ajouté à la palme 12,36 donne l’empan de valeur 20
  • La palme 12,36 ajoutée à l’empan 20 donne le pied de valeur 32,36
  • Enfin l’empan 20 ajouté au pied 32,36 donne la coudée de valeur 52,36

A l’époque de Léonard de Vinci le système métrique et la base 10 ne sont pas utilisés. L’Etoile des Bâtisseurs pouvait avoir une unité de mesure différente. La coudée royale habituellement utilisée se situait entre 52 et54 cm et rien n’empêchait un notable d’imposer une mesure différente. L’unité de mesure était jalousement gardée par le maître d’oeuvre.

Les seuls points communs, qui demeurent tout de même relatifs :

  • 1 coudée = 1 empan et 1 pied
  • 1 pied = 1 palme et 1 empan
  • 1 empan = 1 palme et 1 paume

Ou 4 paumes pour un pied comme l’indique l’homme de Vitruve. A bien y regarder les mains tendues sont des paumes.

Le six

Le « un » s’ajoute au « cinq » pour former le « six » un nombre parfait empreint à la fois de principes théologiques et de magie. 

Le 1, le 2 et le 3 sont des nombres entiers diviseurs de 6. Leur addition (1+2+3) donne 6 et  leur multiplication (1*2*3) donne 6. Cette relation d’égalité des résultats fait de « six » un nombre parfait. 

Le résultat de l’addition des diviseurs d’un nombre est généralement inférieur à celui-ci par exemple 1, 2 et 4 sont les diviseurs de 8, leur somme est de 7. Le 8 est alors qualifié de nombre déficient.

Le « six » appartient à un cycle de 6 jours dans la semaine, le septième étant celui du repos tout comme les 6 tours parcourus autour de Jéricho ou encore les 6 années de service d’un esclave hébreux avant de lui rendre la liberté la septième année.

Dans l’Apocalypse l’Agneau est entouré des 6 sceaux, de 6 trompettes, le 6ème Ange joue de la trompette. Les 4 vivants portent chacun 6 ailes et ne cessent de dire « Saint, saint, saint et le Seigneur Dieu, le Tout Puissant, celui qui était, qui est et qui vient » 

 Dans Genèse 1 26-27, le sixième jour Dieu créa l’homme et la femme.

26 Puis Dieu dit : Faisons l’Homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.

27 Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’Homme et la Femme.

Une multitude de questions s’offrent à la lecture de ces 2 versets ; comment interpréter l’Homme à l’image de Dieu, la ressemblance à Dieu et enfin comment comprendre sa domination sur le monde et les animaux.

L’homme du sixième jour n’a pas la conscience de sa vraie nature. Plus proche du monde animal qui l’habite, sa verticalité est d’abord physique, c’est l’expression du moi et de son égo. Seule la ressemblance divine sous la forme d’un reflet accorde à cet être la supériorité dans l’ordre de la création par rapport au monde et aux animaux.

Dans l’alphabet sacré le « six » est associé à la lettre hébraïque « waw » que nous retrouvons dans le tétragramme YHWH « yod, hé, waw, hé ». Les quatre lettres forment une épée dont la lame et « www », le « yod » est le pommeau et les deux « hé », les deux tranchants.

Le « yod » a pour valeur 10, le « hé » a pour valeur 5

La lame peut être comparée au monde extérieur, celui qui vit sous le soleil et qui appartient à l’expression de la religiosité sous toutes ses formes et dans toutes les époques.

De même le sixième jour dieu créa l’homme et la femme ou encore l’homme avec sa part de féminité lui permettant l’union à l’Esprit Saint dans une noce mystique.

Au septième jour nous passons en Genèse 2.

Dieu contemple son œuvre et façonne l’homme avec de la poussière de terre, lui insuffle un souffle de vie dans ses narines pour en faire un être vivant et libre.

L’homme du septième jour, être incarné et vivant, il peut faire l’union entre la lame et le pommeau, c’est à dire faire la jonction entre sa verticalité et l’Esprit Saint.

Abbaye d’Andlau. Adam et Eve face à leur destin.

L’hexagramme, forme géométrique naturelle du « six » illustre parfaitement cet enjeu. Deux triangles enlacés ; l’un a sa pointe dirigée vers le bas c’est la descente de l’Esprit, l’autre dirigée vers le haut correspond au désir de l’Homme de s’élever.

Evocation de la descente de l’Esprit et de l’espérance de l’homme, une union parfaite pouvant être représentée par l’hexagramme dessiné dans un cercle. 

Le triangle pointe vers le haut et l’échelle de Jacob retracent le même symbole du parcours spirituel entre la terre et le ciel. Chaque échelon pouvant être comparé à des Etats de l’Être appelant à un développement de l’Existence Universelle. Arbre cosmique, Yggdrasil des païens, tour de Babel toutes les formes de reliance qui pourraient se rapprocher d’une quête de verticalité.

Alors la procession des Anges peut commencer, montante et descendante. Pas étonnant que la pierre sur laquelle Jacob avait reposé sa tête pour dormir devint le monument du Temple de Dieu. La porte du ciel.

Descente de l’Esprit
Cathédrale de Strasbourg

Dans l’interprétation apportée par Jean, la Foi prend une place déterminante au point d’annoncer en 1 :51

« Et il lui : en vérité, en vérité, vous verrez désormais le ciel ouvert et les Anges de Dieu monter et descendre sur le fils de l’Homme »

Christ devient intercesseur et chemin. L’homme a la Foi.

4 étoiles à 6 branches accompagnent la manifestation de Christ
Notre Dame de Strasbourg

Enfin les 6 branches de l’hexagramme et les 6 faces du cube ont en commun d’indiquer les 6 directions et d’avoir un centre. 

L’étoile est composée de 6 branches et de 7 compartiments, pour les Hébreux le centre appelé yessod est l’attribut de la fondation. Très naturellement la pointe du haut devient keter et celle du bas malkhout.

 Pour les chrétiens un septième rayon attribué au Soleil, allusion au Christ peut émaner du centre de l’étoile.

Dans le monde occidental, l’étoile à 6 branches présente également une face négative, de magie figurée sur des amulettes pour lancer ou conjurer un sort. C’est une reprise du Dieu Moloch ou encore du dieu Remphan sous le signe de l’hexagramme que les juifs vénéraient au début de leur parcours dans le désert. 

L’hexagramme se retrouve rarement sur les édifices religieux.

Hippocrate utilisera l’étoile à 6 branches pour enseigner la médecine et les alchimistes l’assimileront à la pierre philosophale principe général réunissant les 4 éléments à savoir le feu, la terre, l’eau et l’air.

Pierre philosophale et les 4 éléments

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