Si vous préférez écouter plutôt que de lire
Les deux statues appelées l’Eglise et la Synagogue entourant le Roi Salomon rendant justice depuis son trône sont habituellement présentées pour illustrer la rectitude de l’Eglise, la force de sa doctrine par opposition à l’état d’errance et de privation de Lumière.
C’est très malheureusement que l’interprétation négative est associée à la Synagogue probablement due la réminiscence d’une période où les communautés chrétiennes d’origine hébraïque ont été marginalisées au profit des communautés païennes qui s’érigeront progressivement en « Grande Eglise »
Très certainement que l’évidence délivre un tout autre message.
Cette statue aux yeux bandés, à la lance brisée tenant dans sa main gauche des textes qu’elle ne peut lire est l’image de l’humanité déchue. Elle se retrouve dans toutes les spiritualités, chacune ayant en son sein des hommes avec leur part d’ombre.
C’est chaque femme, chaque homme ayant délaissé le chemin de la connaissance de soi, temporairement abandonnés de Dieu ou rejetant son existence et qui sont par conséquent dans l’erreur. Bien entendu il ne s’agit pas d’une démarche au caractère introspectif ou de nature psychologique mais de la découverte de la réelle valeur de l’homme dans sa dimension ternaire. Souvent les anthropologues mettent en évidence l’orientation que prend le monde avec la réduction de l’homme à sa seule psyché.
C’est également tous ceux qui par confusion placent les signes ostentatoires d’une religion extérieure au-dessus d’un dialogue intérieur en lien avec leur Centre.
De surcroît lorsque les règles sociétales demandent à la masse de prouver leur pureté par des signes extérieurs de religiosité, chacun s’engage dans l’exagération espérant être vu et reconnu par les hommes, oubliant ainsi le combat ou le dialogue intérieur qui permettrait d’être en verticalité.
Il convient aussi de rappeler que l’anthropologie à la fois spirituelle et sociale reconnaît que l’homme privé de centre traverse un désert où l’âme s’assèche. Alors pour éviter tout approfondissement de soi qui pourrait devenir embarrassant, la préférence ira vers des interprétations infondées des textes sacrés qui au final génèrent du mal être à tous.
Dans cette situation, l’homme devient incapable de supporter la Lumière. Son intelligence se borne à celle de l’homme primitif et se suffit de la reconnaissance des seuls hommes pour exister. La glorification de l’homme par l’homme appartient à la surface de l’eau.
Ils s’écartent de l’intelligence d’une lecture de leur être. L’homme se trompe lui-même, il devient son propre Satan.
Le voilà tout en bas, en Malkuth, au degré le plus bas de la verticalité, son temps est celui des hommes, nimbé d’une gloire éphémère.
Néanmoins il lui reste toujours une chance. Celle d’avoir le désir de se tourner vers Dieu (quelque soit la façon dont Dieu est nommé dans les trois religions du livre) car Dieu lui confère un centre en le plaçant au centre du monde. La rosace de la Cathédrale illustre bien cette allégorie.
Si l’homme accepte d’être à l’image de Dieu, c’est à dire être un reflet de la perfection, ou si l’homme se souvient que Dieu est son Maître au moment du jugement, il s’élèvera d’un degré dans la verticalité.
Là encore il n’appartient pas aux docteurs de la loi d’évaluer la progression d’un cheminement spirituel car leur intolérance et leur intransigeance sont naturellement injustes, seule la crainte de Dieu est juste et nul homme ne peut en être le porteur.
C’est bien par la libre volonté de chaque homme, l’adhésion à une spiritualité qui ouvre la perspective d’un cheminement, une propédeutique révélant une transmission primordiale qu’il nourrit son dialogue intérieur et apprend à se connaître.
A l’image de la statue de l’Eglise où le croisement entre la verticalité symbolisant les degrés d’une quête et l’horizontalité, principe actif de la quête, correspond le couronnement d’une démarche spirituelle.
Ainsi le Graal placé sur le cœur illustre parfaitement que tout combat pour la foi et au centre de chaque homme, loin des misères du prosélytisme qui engendre la division parmi les hommes.
Le message est clair. Il s’agit d’une affaire personnelle. C’est le désir de l’homme d’aller vers son centre avec persévérance et de comprendre avec discernement les états qu’il va franchir. Ainsi l’Eglise a le regard tourné vers son centre, en pleine conscience de soi et s’abandonnant au guide spirituel. De là à la vocation il n’y a plus qu’un pas.
Salomon, le Juge, ne propose qu’une récompense et aucune punition.
Les hommes se punissent par eux-mêmes sur le plan le plus primitif sans autre espérance que le souvenir précaire de leur propre gloire.
Salomon marque la vérité d’un sceau, car, ce qui est au plus haut s’affirme aussi au plus bas de l’échelle.
Vogesus le 13/11/2018
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Bibliographie
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Frithjof Schuon : Avoir un centre. De l’unité transcendante des religions.
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Alain Corbin : Histoires du christianisme.
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Eckartshausen : La nuée sur le sanctuaire.
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Illustrations par Vogesus
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