Lillith aux pieds de Salomon

Dans le premier livre des Rois 3 16 se trouve l’épisode célèbre du Jugement du Roi Salomon. Cet épisode biblique est retracé sur la façade sud de la Cathédrale où le Roi Salomon est représenté assis sur son trône tenant son épée de la main droite. A ses pieds quatre figurines : deux prostituées avec leurs enfants, l’un des fils est mort, toutes deux revendiquent l’enfant vivant.

La suite est donnée un peu plus loin dans le texte, auparavant il est intéressant de se pencher sur l’expression symbolique du message ainsi délivré.

Salomon assis sur trône est un élément central, au-dessus de lui se tient l’Esprit qui présentent dans sa main gauche un globe et dans sa main droite un sceptre dont il ne reste que le fragment de la main. Aux pieds de Salomon, les 4 figurines.

L’ensemble figure la verticalité, en haut se trouve l’unité, en bas la division, au milieu la quête de la paix avec la main de justice armée d’une épée.  Voilà un message qui bien au-delà du Jugement de Salomon concerne tous ceux qui sont en quête de verticalité et qui lors du jugement répondront de leur choix entre le bon et le mauvais esprit.

Or les kabbalistes modernes, pour certains, considèrent que les deux mères, les deux prostituées ne seraient que Lillith et Agrat. 

Cette indication semble confirmer le message de verticalité puisque nous avons en haut l’Esprit et en bas Lillith qui remplit une fonction homologue mais négative de celle que remplira la Shekhina, la Divine Présence dans le monde de sa Sainteté. 

Vogesus, le 4 mai 2019.

Poursuivez la lecture avec d’abord le Jugement de Salomon extrait de l’Ancien Testament suivi d’un extrait du livre – Lillith ou la Mère obscure – de Jacques Brill aux éditions Payot.

1 Rois 3:16 C’est alors que deux femmes prostituées vinrent chez le roi et se présentèrent devant lui.

1 Rois 3:17 L’une des femmes dit: «Pardon! Mon seigneur, cette femme et moi, nous habitons dans la même maison et j’ai accouché près d’elle dans la maison.

1 Rois 3:18 Trois jours après, cette femme a aussi accouché. Nous habitons ensemble, il n’y a aucun étranger avec nous dans la maison, il n’y a que nous deux.

1 Rois 3:19 Le fils de cette femme est mort pendant la nuit, parce qu’elle s’était couchée sur lui.

1 Rois 3:20 Elle s’est levée au milieu de la nuit, elle a pris mon fils qui était à côté de moi pendant que moi, ta servante, je dormais et elle l’a couché contre elle. Quant à son fils, qui était mort, elle l’a couché contre moi.

1 Rois 3:21 Ce matin, je me suis levée pour allaiter mon fils et voici qu’il était mort. Je l’ai regardé attentivement, le matin venu, et ce n’était pas mon fils, celui que j’ai mis au monde.»

1 Rois 3:22 L’autre femme dit: «C’est faux! C’est mon fils qui est vivant et ton fils qui est mort.» Mais la première répliqua: «Absolument pas! C’est ton fils qui est mort et mon fils qui est vivant.» C’est ainsi qu’elles discutèrent devant le roi.

1 Rois 3:23 Le roi constata: «L’une dit: ‘C’est mon fils qui est vivant et ton fils qui est mort’, et l’autre dit: ‘Absolument pas! C’est ton fils qui est mort et mon fils qui est vivant.’»

1 Rois 3:24 Puis il ordonna: «Apportez-moi une épée.» On apporta une épée devant le roi.

1 Rois 3:25 Le roi dit alors: «Coupez en deux l’enfant qui est en vie et donnez-en la moitié à chacune.»

1 Rois 3:26 Alors la femme dont le fils était vivant fut remplie de compassion pour son fils et elle dit au roi: «Ah! Mon seigneur, donnez-lui l’enfant qui est en vie, ne le faites pas mourir.» Mais l’autre répliqua: «Il ne sera ni à moi ni à toi. Coupez-le!»

1 Rois 3:27 Prenant la parole, le roi dit alors: «Donnez l’enfant qui est en vie à la première femme, ne le faites pas mourir. C’est elle qui est sa mère.»

Sur les origines de Lillith.

… Ainsi dans la première version, le premier homme et la première femme paraissent avoir été créés simultanément ; dans la seconde, la création de la femme était subordonnée à celle, antérieure, de l’homme. Maintes explications ont été avancées par les rabbis pour rendre compte de cette contradiction. On avait suggéré qu’Adam avait été créé initialement androgyne et que cet être bisexué avait été subséquemment séparé en homme et en femme, point de vue que l’on trouve déjà dans la tradition babylonienne. On avait pensé aussi que le premier acte de la création de l’homme concernait le concept spécial de l’homme incorporel, sans connotation masculine et féminine par conséquent, tandis qu’un second acte, le créateur avait donné une forme matérielle et donc nécessairement masculine et féminine à sa créature. La solution que propose l’Alphabet de ben Sirah repose sur l’hypothèse d’une double création ou plutôt de deux créations successives de la femme, la première création, plus égalitaire, s’étant soldée par un échec. Notons d’ailleurs qu’il n’est pas exceptionnel que les mythes renvoient à une création de l’homme en deux ou plusieurs actes. Le mythe maya de création, par exemple, fait état de trois bouillons successifs antérieurs au dernier et définitif essai du démiurge…

A propos des premiers temps de Lillith, de l’égalité entre l’homme et la femme.

Les premiers partenaires humains furent Adam et Lillith. Ils avaient été créés de manière à répondre à un désir manifeste du créateur : il y aurait égalité des droits entre l’homme et la femme. La tradition talmudique affirme même qu’ils avaient été créés unis par le dos. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, cette tradition de l’androgyne est très répandue. Nous la trouvons non seulement dans le banquet de Platon qui comporte à ce sujet une paraphrase burlesque d’Aristophane, mais jusque chez les indiens d’Amérique ; une version exemplaire collectée chez les Lengua du Paraguay en est rapportée par J. Frazer.

De la dispute entre Lillith et Adam, à l’envol de Lillith

Entre Adam et Lillith, un conflit naquit bientôt dont le prétexte fut la manière dont ils feraient l’amour – quelle seraient les positions respectives de l’un et de l’autre ? – dissimulant ainsi de façon symbolique le conflit latent des prétentions à la suprématie sociale. Lillith contesta les revendications de son mari à être chef de la famille, faisant ressortir l’équivalence de ces droits au sein du couple, équivalence résultant des conditions mêmes de la création. Adam maintint son intransigeance, affirmant qu’il était le seul maître et la situation ne fit que s’aggraver. Lorsque Lillith se fut rendu à l’évidence que l’entêtement d’Adam était sans espoir, elle se résolut à l’ultime démarche possible ; elle invoqua le nom de l’Ineffable. Alors elle reçut miraculeusement des ailes et s’en fut hors du jardin d’Eden par les airs.

Le cœur brisé Adam implora le tout puissant : « Maître du monde dit-il, la femme que Tu m’as donnée s’est envolée ! » Le créateur ému par la tristesse d’Adam, envoya trois anges à la recherche de Lillith : Snwy, Snsnwy et Snglf, afin de la persuader de retourner à son foyer auprès de son mari. Lillith ne voulut rien entendre même après que les Anges lui eurent rapporté la sentence du Seigneur : elle mettrait au monde de nombreux enfants et cent de ses fils devraient mourir chaque jour. Désespérée par l’effroyable cruauté du châtiment, elle mettre un terme à son malheur en se jetant dans la Mer Rouge. Mus par le remord les trois Anges lui accordèrent en compensation de la rigueur du jugement, qu’elle aurait tout pouvoir sur les enfants nouveaux nés, pendant huit jours après la naissance pour les garçons ; pendant vingt jours pour les filles, en outre elle jouirait d’un pouvoir illimité sur les enfants nés en dehors des liens du mariage. Toutefois, elle devrait s’engager à perdre ses pouvoirs chaque fois qu’elle verrait sur une amulette l’image de ces Anges.

Lillith et Eve

Naturellement, Lillith voua à Eve qui l’avait remplacée dans ses affections auprès de son premier mari, une jalousie haineuse et tenace. C’est par dépit qu’elle se fera meurtrière des enfants d’Eve. Elle s’en prendra à Eve elle-même et une tradition tardive – que reprendra Rossetti dans son Boudoir du Paradis – identifie à Lillith le serpent tentateur qui fut, par Eve, l’agent de la chute de l’humanité. Jamais la richesse et les honneurs que prodiguera à Lillith son second mari ne parviendront à compenser la perte de ses propres enfants. Elle demeurera à jamais la dame des douleurs.

Lillith, sa destinée

Ses lamentations désolées se font entendre la nuit dans les airs à l’instar de celles de Rachel pleurant ses enfants morts. Son esprit de vengeance fait planer sa menace sur les bonheurs licites ; la multitude démoniaque des descendants qu’elle engendrera de Samaël peuplent la terre. Sa puissance et sa présence effraient et séduisent. Lillith la maudite remplira dans le monde des ténèbres une fonction homologue mais négative de celle que remplira la Shekhina, la Divine Présence dans le monde de sa Sainteté

Extrait du livre – Lillith ou la Mère obscure – de Jacques Brill aux éditions Payot.

A lire et à relire…

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